Bonsoir cher lecteur,
Nous avons appris qu'une enseignante avait demandé à ses élèves de faire une minute de silence en la mémoire de Mohamed Mehra (auteur, rappelons-le, des meurtres d'enfants à Toulouse, et de militaires à Montauban). Cette proposition a choqué la plupart des élèves, et une plainte a été déposée. L'enseignante encourrait la suspension.
Nous ne pensions pas voir, aussi vite, une illustration aussi caricaturale - voire emblématique - de notre propos concernant la suréaliste couverture médiatique de l'assaut mené par le RAID contre Mohamed retranché, et la dangereuse aura de "fait d'armes" dont elle l'avait entouré, à l'entier bénéfice du tueur.
Malheureusement le monde journalistique ne voit bien entendu là pas l'ombre d'un atome de matière à s'interroger sur ses pratiques - mais simplement l'occasion (inespérée) de "rebondir" sur cette affaire, laquelle avait été pressurée jusqu'à la dernière bribe d'"information".
(Les pisse-copies des rédactions en étaient rendus à produire les plans de l'appartement de Mohamed, avec description, minute par minute, du déroulement de l'assaut. Sans le providentiel moment d'égarement de cette institutrice, peut-être saurions-nous aujourd'hui quel était le motif des papiers-peints de l'appartement de Mohamed, et combien il avait de poils au cul ?)
Bref.
Pour continuer dans les déceptions, parlons du dernier article de Frédéric Lordon. Tout y est d'une tenue de notre point de vue irréprochable - sauf un point (poing) que nous avons bloqué dans l'estomac : cette invraisemblable proposition d'instaurer un salaire maximal, visant à mettre fin aux rémunérations excessives de certains patrons.
C'est une belle connerie - du genre de celles dont Mélenchon a garni son programme. Une connerie typiquement française, qui ne nous surprend pas particulièrement en soi, mais nous déçoit terriblement de la part de F. Lordon.
D'abord, ces rémunérations excessives ne concernent qu'un nombre ridiculement restreint d'entreprises ; ensuite, si l'on veut malgré tout les considérer, on constate que même en reversant l'intégralité des rémunérations "indécentes" au reste des salariés, ceux-ci s'en trouveraient augmentés de façon tout à fait marginale, sans aucun impact significatif sur leur niveau de vie (puisqu'il s'agirait de répartir quelques dizaines de millions d'euros entre quelques centaines de milliers d'employés - annuellement).
La question est donc d'ordre purement symbolique. Laisser entendre qu'elle est économique relève d'une démagogie crasse, à laquelle nous sommes bien consterné de voir F. Lordon s'adonner. Et quant au symbole, donc, que constitue le plafonnement des rémunérations, il ne nous emballe pas - de toute façon. Il pue ce qu'il y a de plus détestable dans l'esprit français moderne : cette délectation, au nom de l'égalité, à toujours tout tirer vers le bas.
Quitte à légiférer dans ce domaine, pourquoi ne pas plutôt fixer un ratio maximum entre les salaires extèmes - ou toute autre mesure qui, au lieu de confiner les fortes rémunérations, sans profit aucun pour les plus faibles, associeraient les unes aux autres, pour le profit de tous ?
Plus ça va, plus nous nous demandons sérieusement si la France ne serait pas le dernier pays communiste de la planète (après en avoir été le premier).
Robert Willard
le 24/03/2012